Santé au travail

Le droit d’alerte et de retrait des agents territoriaux en 10 questions

Titulaires ou contractuels, tous les agents publics doivent exercer leurs fonctions en sécurité.

C’est ce que garantit le droit d’alerte et de retrait, face à danger grave et imminent.

01 – En quoi consiste le droit d’alerte et de retrait ?

Dès lors qu’il a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé, ou qu’il constate une défectuosité dans les systèmes de protection, l’agent territorial doit en aviser immédiatement son supérieur hiérarchique. On parle alors de « droit d’alerte ».

L’article 5-1 du décret du 10 juin 1985 précise qu’il peut également se retirer d’une telle situation. On parle dans ce cas d’un « droit de retrait », car l’agent n’encourt alors aucune sanction ni retenue sur sa rémunération. En l’occurrence, il importe peu que le danger perçu par l’agent se révèle, au final, inexistant ou minime. Il suffit que la crainte de l’intéressé ait été légitime, c’est-à-dire qu’il ait pu raisonnablement penser que sa situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé (art. 5-1).

En outre, l’autorité territoriale ne peut pas demander à l’agent de reprendre son activité dans une situation de travail présentant un danger grave et imminent. Elle doit prendre les mesures nécessaires pour que les agents concernés puissent cesser leur activité et se mettre en sécurité en quittant immédiatement leur lieu de travail.

02 – Qu’est-ce qu’un « danger grave et imminent » ?

Un danger grave et imminent s’entend comme une menace directe pour la vie ou la santé du fonctionnaire ou de l’agent, c’est-à-dire une situation de fait pouvant provoquer un dommage à l’intégrité physique ou à la santé de la personne.

Le danger en cause doit donc être grave, c’est-à-dire susceptible d’entraîner des conséquences définitives ou, en tout cas, longues à effacer et importantes, au-delà d’un simple inconfort. La température des locaux de service jugée trop basse par un agent ne peut fonder l’exercice de son droit de retrait (1), de même que la présence de déjections de chauve-souris dans une école, comme l’a confirmé le Conseil d’Etat (2).

S’agissant du caractère imminent du danger, cela suppose qu’il soit susceptible de se réaliser brutalement dans un délai rapproché (circulaire du 12 octobre 2012). Cette menace concerne plus spécialement les risques d’accident, puisque ce dernier est dû à une action soudaine entraînant une lésion du corps humain. Ainsi, le danger peut résulter d’une machine, d’un processus de fabrication, d’une situation ou d’une ambiance de travail.

Par exemple, un agent chargé de nettoyer les portes extérieures d’une maison de retraite où des inconnus s’étaient introduits à plusieurs reprises n’a pas pu invoquer son droit de retrait (3).

En revanche, un agent a pu invoquer son droit de retrait pour refuser de monter dans le godet d’un tracteur levé à quatre mètres du sol pour monter sur une échelle et installer des illuminations  (4).

03 – Quelles sont les limites du droit de retrait ?

Le droit de retrait doit s’exercer de telle manière qu’il « ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent » (décret du 10 juin 1985, art. 5-1).

Par « autrui », on entend toute personne susceptible, du fait du retrait de l’agent, d’être placée elle-même dans une situation de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Il peut donc s’agir de collègues de l’agent, mais aussi, le cas échéant, de tiers tels que les usagers du service public (circulaire 12 octobre 2012).

De plus, certaines missions de sécurité des biens et des personnes sont incompatibles avec l’exercice du droit de retrait dans la mesure où sa mise en œuvre compromettrait l’exécution même des missions propres de ce service (lire la question n°4).

04 – Quelles missions sont incompatibles avec l’exercice d’un droit de retrait ?

Les missions incompatibles avec l’exercice d’un droit de retrait sont déterminées par un arrêté interministériel du 15 mars 2001.

Il s’agit, pour les agents du cadre d’emplois des sapeurs-pompiers, des missions opérationnelles définies par l’article 1424-2 du code général des collectivités territoriales.

Cela concerne, pour les agents des cadres d’emploi de police municipale et pour les agents du cadre d’emploi des gardes champêtres, et en fonction des moyens dont ils disposent, les missions destinées à assurer le bon ordre, la sécurité, la santé et la salubrité publique, lorsqu’elles visent à préserver les personnes d’un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé.

Lorsque ces agents ne peuvent se prévaloir du droit de retrait, ils exercent leurs missions dans le cadre des dispositions des règlements et des instructions ayant pour objet d’assurer leur protection et leur sécurité.

05 – Quelle est la procédure à suivre ?

Précisée par le décret du 10 juin 1985 (à compter du 1er janvier 2023, décret n°2021-571), la procédure permettant la mise en œuvre du droit de retrait se décompose en deux phases :

  • une « phase d’alerte » sur l’existence d’un danger grave et imminent ou d’une défectuosité dans les systèmes de protection (lire la question suivante)
  • et une « phase d’enquête » sur la réalité du danger et les mesures à prendre le cas échéant.

Dès lors que l’autorité ­territoriale est informée de la situation, elle doit procéder immédiatement à une enquête, en compagnie du membre du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT, formation spécialisée du comité social) qui a signalé le danger.

L’autorité territoriale prend ensuite les mesures nécessaires pour remédier à la situation. Elle informe le CHSCT des décisions prises.

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06 – Comment déclencher l’alerte ?

L’agent qui a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, s’il constate une défectuosité dans les systèmes de protection, doit en aviser son supérieur hiérarchique. Il doit l’alerter, soit avant de se retirer de son poste de travail, soit en même temps.

L’alerte peut également être déclenchée par un membre du CHSCT, ou à défaut par un membre du comité technique, qui constate – notamment par l’intermédiaire de l’agent ayant exercé son droit de retrait – une cause de danger grave et imminent. L’autorité territoriale doit en être avisée immédiatement. Ce signalement est formalisé par écrit dans un registre spécial (lire la question n°9).

07 – Que se passe-t-il en cas de désaccord sur la mise en œuvre du droit de retrait ?

En cas de divergence sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser, le  CHSCT est réuni en urgence dans un délai de vingt-quatre heures maximum.

En cas de désaccord persistant, après l’intervention du ou des agent(s) chargé(s) d’une fonction d’inspection (ACFI) dans le domaine de la santé et la sécurité, l’inspection du travail peut notamment être sollicitée par l’autorité territoriale ainsi que la moitié, au moins, des représentants titulaires du personnel au sein du  CHSCT .

Le cas échéant, ces interventions donnent lieu à un rapport adressé conjointement à l’autorité territoriale, au CHSCT et à l’ACFI. Ce rapport indique, s’il y a lieu, les manquements en matière d’hygiène et de sécurité et les mesures proposées pour remédier à la situation. Dans les quinze jours suivants, l’autorité territoriale doit apporter une réponse motivée à l’auteur du rapport (lire la question suivante).

En cas de désaccord persistant, le décret du 10 mai 2021 ­prévoit qu’à compter du 1er  janvier 2023, ­l’inspecteur du travail sera obligatoirement saisi (décret n° 2021-571, art. 68).

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08 – Quels éléments de réponse doit apporter l’autorité territoriale ?

Elle doit indiquer les mesures prises immédiatement après l’enquête réalisée à la suite du signalement du danger, les mesures prises après l’avis émis par le CHSCT réuni en urgence, celles prises au vu du rapport et enfin, celles qu’elle va prendre ainsi que le calendrier de leur mise en œuvre. Une copie de la réponse de l’autorité territoriale est adressée au CHSCT et à l’ACFI.

09 – Qu’est-ce que le registre spécial ?

Le registre spécial (voir modèle en annexe de la circulaire du 12 octobre 2012) est coté et ouvert au timbre du CHSCT (décret du 10 juin 1985, art. 5-3 ; décret n° 2021-571, art. 68). Sous la responsabilité de l’autorité territoriale, ce registre est tenu à la disposition des membres du CHSCT et de tout agent qui est intervenu dans la procédure de mise en œuvre du droit de retrait.

Enfin, tout avis figurant sur le registre doit être daté et signé. Il doit également comporter l’indication des postes de travail concernés, la nature du danger et sa cause et le nom de la ou des personnes exposées. Lorsqu’un membre du CHSCT (ou à défaut un membre du comité technique) constate un danger grave et imminent, son avis sur la situation de danger est consigné dans ce registre spécial. Les mesures prises par l’autorité territoriale y sont également inscrites.

10 – Que se passe-t-il à l’issue de la procédure ?

Lorsque la situation de danger grave et imminent a été confirmée, le retrait de l’agent est justifié. Il ne peut être ni sanctionné, ni contraint à reprendre son travail tant que le danger persiste. L’autorité territoriale peut néanmoins lui confier un autre travail correspondant à sa qualification professionnelle.

S’agissant des agents contractuels, ils bénéficient de droit du régime de réparation applicable en cas de faute inexcusable de l’employeur définie à l’article L452-1 du code de la sécurité sociale : il en va ainsi dans la mesure où ils relèvent du régime général de la sécurité sociale et auraient été victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, alors que ces agents ou un membre du CHSCT avaient signalé au chef de service un risque qui s’est effectivement réalisé (art. 5-4 du décret de 1985 modifié).

En revanche, lorsque le retrait de l’agent a été considéré comme injustifié, l’agent peut faire l’objet d’une retenue sur salaire (en cas d’absence de service fait) et de poursuite disciplinaire.

Si la situation de danger grave et imminent ne persiste plus, l’autorité territoriale pourra, si nécessaire, mettre en demeure l’agent de reprendre le travail. Elle n’est toutefois pas tenue d’inviter cet agent à reprendre son travail dès que la situation de danger a disparu.

RÉFÉRENCES

  • Décret n°85-603 du 10 juin 1985 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail et à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale, dans sa version consolidée au 17 avril 2008.
  • Arrêté du 15 mars 2001 portant détermination des missions de sécurité des personnes et des biens incompatibles avec l’exercice du droit de retrait dans la fonction publique territoriale, JORF du 24 mars 2001.
  • Circulaire du 12 octobre 2012 relative à l’application du décret du 10 juin 1985 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la médecine professionnelle et préventive.

Sources : la gazette des communes

« M. LE PRÉSIDENT, VOUS NE POURREZ PAS FAIRE SANS NOUS ! » – SIGNEZ LA CARTE PÉTITION

Au lendemain de l’élection présidentielle, la CFDT interpelle Emmanuel Macron l’invitant à répondre à 15 revendications  sur le pouvoir d’achat, le travail, l’emploi, les retraites, l’écologie et la santé. Vous aussi, interpellez le président de la République en signant et envoyant la carte pétition ci-dessous (par voie postale [sans affranchissement] ou par voie électronique) !

«  M. le président,
Notre société est en crise, elle sort fragilisée de ces dernières années: nous avons besoin de réponses immédiates ! Montrez que vous savez être à l’écoute, répondez aux 15 revendications de la CFDT ! »

– POUVOIR D’ACHAT –

• Revalorisation immédiate des grilles de salaire suite à l’augmentation du SMIC, dans le privé et dans le public
• Aucun versement de dividendes aux actionnaires sans intéressement ou participation pour les salariés
• Revalorisation des minima sociaux et des APL, pour compenser l’inflation


– TRAVAIL –

• Financement intégral des formations des personnes souhaitant se reconvertir (en cas de travail pénible ou d’emploi menacé)
• Prise en compte de la pénibilité pour tous les travailleurs concernés
• Modification des ordonnances travail pour un dialogue social de qualité



– EMPLOI –

• Retour au niveau d’allocation chômage d’avant la réforme de 2021
• Accompagnement systématique des seniors pour préparer leur seconde partie de carrière
• Refus de mesures punitives pour les bénéficiaires du RSA et un réel accompagnement vers l’emploi



– RETRAITES –

• Pas de report de l’âge légal de la retraite
• Minimum de pension pour une carrière complète au niveau du SMIC net



– ÉCOLOGIE –

• Rénovation des 4,8 millions de logements mal isolés
• Doublement du chèque énergie



– SANTÉ –

• Mise en place d’un plan de lutte contre les déserts médicaux
• Investissements et recrutements dans les hôpitaux, Ehpad et tous les établissements de santé

Ci-dessous, vous pouvez télécharger le flyer en version imprimante, et en version imprimeur avec traits de coupe.

La carte pétition peut être envoyée au format PDF interactif à l’adresse presidence@elysee.fr ou imprimée (choisir impression au format réel, sur les bords courts). Une version imprimeur avec traits de coupe est également disponible.

L’envoi d’un courrier de moins de 20 grammes à destination du président de la République est gratuit, il n’est donc pas nécessaire d’affranchir votre carte pétition. 

Nouveau quinquennat : la CFDT pose ses exigences

“Montrez que vous savez être à l’écoute…” Alors que le résultat de l’élection présidentielle révèle une France profondément fracturée, la CFDT appelle Emmanuel Macron à ouvrir rapidement des espaces de dialogue et à prendre à bras-le-corps les problèmes de la société. Afin d’engager la discussion, elle présente quinze revendications.

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Syndhebdo

58,54 % pour le Président sortant au deuxième tour. Passé le soulagement de ne pas voir le Rassemblement national remporter l’élection présidentielle, ce résultat retentit comme un énième signal d’alarme. Élection après élection, l’extrême droite progresse, surfant sur un mal-être social ambiant et le rejet du « système » par une partie de la population qui ne se reconnaît plus dans les candidats dits modérés ou de gouvernement. Une nouvelle fois, Emmanuel Macron a donc été élu avec le soutien de nombreux citoyens qui voulaient avant tout éviter l’accession au pouvoir de l’extrême droite.

« Je sais aussi que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi, non pour soutenir les idées que je porte mais pour faire barrage à celles de l’extrême droite. Je veux ici les remercier et leur dire que ce vote m’oblige pour les années à venir », a d’ailleurs reconnu le Président lors de son discours à la tour Eiffel à l’issue du deuxième tour.

Quinze sujets, quinze urgences

La CFDT – qui s’est mobilisée dès le 10 avril pour faire barrage au Rassemblement national en appelant à voter Emmanuel Macron – le prend à présent au mot. Et pose sur la table ses quinze premières revendications. Quinze sujets sur lesquels la CFDT est prête à engager des discussions sans attendre. L’évolution des grilles de salaires et des minima sociaux, la révision des ordonnances travail, la formation des seniors et des personnes en reconversion, les retraites ou encore l’investissement dans la santé constituent les axes essentiels de ses revendications… car les attentes sont nombreuses. « Nous avons besoin de réponses immédiates ! Montrez que vous savez être à l’écoute », interpelle ainsi la CFDT, qui entend obtenir de l’exécutif un changement de méthode lors du quinquennat à venir.

Tract des quinze revendications CFDT pour le nouveau quinquennat du Président Macron
Tract des quinze revendications CFDT pour le nouveau quinquennat du Président Macron© InfoCom CFDT

Grand rendez-vous social

Laurent Berger l’a d’ailleurs réaffirmé dans une tribune publiée dans Le Monde daté du 27 avril, dans laquelle il interpelle directement Emmanuel Macron. « Monsieur le président, vous ne pourrez pas relever ces défis tout seul. Convoquez dès aujourd’hui une rencontre avec les partenaires sociaux et les grandes associations. Appelez-la comme vous voulez – conférence, Grenelle, convention… –, mais lancez dès maintenant ce grand rendez-vous social pour changer de méthode et associer le plus grand nombre à la co-construction des décisions. »

Alors que le candidat Macron promettait il y a quelques jours encore une présidence moins verticale, espérons que le Président réélu n’oublie pas cet engagement de campagne. À présent, la CFDT attend des actes. « Notre appel est ferme mais constructif : entendez-le !, conclut Laurent Berger dans sa tribune. Il ne peut y avoir de démocratie sans démocratie sociale. »

Dans une tribune parue dans le journal « Le monde » le 27 avril 2022, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, appelle Emmanuel Macron à convoquer un « grand rendez-vous social » avant ses décisions futures.

La négociation sur la santé au travail est enfin lancée

Plus question de reporter la réforme de la santé au travail, maintes fois repoussée. Le 13 juin, deux jours avant la première réunion paritaire sur le sujet, le gouvernement a enfin adressé aux partenaires sociaux sa lettre d’orientation les invitant à engager une négociation interprofessionnelle.

Cela fait suite, notamment, à la tribune publiée à la mi-mai par 158 députés de la majorité qui appelaient à « une grande réforme de la santé au travail », estimant que la crise sanitaire avait mis en exergue des dysfonctionnements « observés de longue date ». Depuis, un rapport sévère de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur l’évaluation des services de santé au travail interentreprises (SSTI) daté du 2 juin a confirmé ce constat, soulignant des moyens insuffisants, des problèmes de gouvernance, le manque de prévention de la désinsertion professionnelle… et « l’investissement insuffisant des partenaires sociaux » dans le dispositif. « Bref, tout le monde en prend pour son grade, résume la secrétaire nationale Catherine Pinchaut. Cependant, cette analyse est utile pour étayer ce que la CFDT revendique depuis longtemps : rénovation en profondeur du système des acteurs de la médecine du travail et de prévention des risques, prise en compte de la qualité de vie au travail et de la qualité du travail. »

Un agenda à enrichir

D’ici à la fin de l’année, les partenaires sociaux devront élaborer des propositions concrètes sur l’évaluation des risques et l’offre de service à fournir aux entreprises et aux salariés. Le document, qui mentionne le rapport de l’Igas, demande que les SSTI fassent l’objet d’une « rationalisation ». La réorganisation de la gouvernance et du financement de la santé au travail sont également à l’ordre du jour dans cette feuille de route qui reprend les préconisations du rapport Lecocq sur la santé au travail, rendu en… 2018. Il semble donc que la prise de conscience de la nécessité de sauvegarder la sécurité et la santé des salariés ait réellement « changé d’échelle », comme écrit en préambule. Toutefois, « la lettre d’orientation est laconique sur le dialogue social et n’est pas assez ambitieuse au sujet de la QVT ou de la qualité du travail, regrette Catherine Pinchaut. Sept dates ont été fixées sur différents thèmes ; il faut ajouter la QVT et les questions liées au travail à cet agenda ». Les partenaires sociaux se revoient le 23 juin.

CORONAVIRUS LE MONDE DU TRAVAIL EN PREMIÈRE LIGNE

Alors que l’épidémie se propage dans l’Hexagone, le gouvernement a fait le point avec les organisation syndicales et patronales sur les mesures à prendre dans les entreprises. 25 millions de salariés sont concernés. Delphine Meyer, juriste à la Confédération, répond à nos questions.

Comment l’entreprise doit elle protéger ses salariés alors que le stade 2 (sur 3) de l’épidémie vient d’être franchi ?

Au-delà de leur « traditionnelle » obligation de santé et de sécurité vis-à-vis des salariés, les employeurs doivent aujourd’hui se préparer à l’arrivée d’une épidémie et veiller à ce que ces mesures s’adaptent pour tenir compte du l’évolution du contexte et améliorer ainsi les situations existantes. Dès lors que des recommandations sont faites au niveau national, les employeurs sont tenus de les respecter et de les mettre en œuvre. A noter que les employeurs qui ont élaboré un plan de continuité d’activité (PCA), notamment lors de l’épisode de la grippe H1N1, peuvent largement s’y référer. Dans le cas qui nous préoccupe, la première recommandation pour les employeurs est d’éviter, sauf raison impérative, les déplacements professionnels dans les zones à risques (régulièrement mises à jour) et de reporter tout déplacement.

Du côté salariés, quels aménagements sont possibles pour les personnes revenant d’une zone « contaminée » ou en cas de quarantaine déclarée par les autorités françaises ? Avec quelles conséquences sur la rémunération et le contrat de travail?

Lorsque le salarié revient d’une zone à risque, l’employeur doit, pour la durée de 14 jours préconisée, lui proposer de télétravailler (et cette solution doit être privilégiée) ou d’aménager son poste de travail afin de limiter les risques de contamination. Si aucune de ces options n’est possible, le salarié peut prendre contact avec l’Agence régionale de santé (ARS) afin qu’un médecin habilité l’examine et, le cas échéant, lui accorde un avis d’interruption de travail pour la durée de l’isolement. En cas d’arrêt de travail, le salarié bénéficie sans délai de carence (de 3 jours habituellement) des indemnités journalières de sécurité sociale pour une durée maximale de 20 jours*. Pendant cette période d’isolement, le contrat est suspendu, la période d’absence n’est, à ce jour, pas considérée comme du temps de travail effectif.

En matière de dialogue social, quelles options s’offrent aux IRP ? Quel rôle peuvent jouer les élus ?

Les IRP ont évidemment un rôle à jouer dans la préparation et la mise en œuvre des mesures prises pour faire face à l’épidémie. L’employeur a tout intérêt à les impliquer et à les associer à l’élaboration du plan de continuité de l’activité (PCA) le plus en amont possible. Mais au-delà de cela, le code du travail prévoit un certain nombre de mesures. Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE doit être consulté en cas de modification importante de l’organisation du travail, de recours au travail à temps partiel et en cas de dérogation aux règles relatives à la durée du travail et aux repos. A noter que dans son question réponse destiné aux salariés et employeurs, le gouvernement encourage le recours à la visioconférence afin d’éviter les contacts physiques mais précise qu’en cas d’urgence, l’employeur peut aussi prendre des mesures conservatoires d’organisation du travail avant même toute consultation du CSE. Les organisations syndicales ont également un rôle important à jouer dans la prévention. Diverses mesures de prévention pour les salariés et d’anticipation sur l’organisation du travail sont en effet négociables dans le cadre d’accords collectifs ou dans le cadre du PCA. Il peut notamment s’agir de permettre la continuité de l’activité et minimiser la propagation du virus, d’organiser le travail à distance, de prévoir les modalités d’absence en cas d’écoles fermées ou des modalités de transport spécifiques pour éviter l’exposition dans les transports en commun.

Dans quelles circonstances un salarié peut-il faire valoir son droit de retrait ?

Lorsqu’une situation de travail présente un danger grave et imminent pour la vie ou la santé d’un salarié ou en cas de défaillance des systèmes de protection, les travailleurs ont le droit de se retirer. C’est d’ailleurs au titre de son droit de retrait qu’un salarié peut refuser de se rendre dans toute région du monde qui serait considérée comme zone à risque. L’employeur n’a aucun moyen de le contraindre à partir et il ne peut procéder à aucune retenue de salaire, ni sanctionner le salarié.

Attention toutefois, car ce droit ne peut pas s’exercer à la légère. En pratique, dès lors que l’employeur aura pris toutes les mesures de prévention et de protection individuelle sur le lieu de travail en vue de réduire les risques de contamination auxquels les travailleurs peuvent être exposés, l’exercice du droit de retrait en situation de pandémie de coronavirus devrait demeurer exceptionnel. Dit autrement : l’existence même du virus ne suffit pas à lui-seul à justifier l’exercice du droit de retrait. D’ailleurs, le gouvernement est clair : le fait d’avoir un collègue qui revienne d’une zone à risque ou qui ait été en contact avec une personne contaminée, ne permet pas l’exercice du droit de retrait dès lors que les recommandations sanitaires ont bien été suivies. On considère en effet, que dans ce cas le risque pour les autres salariés est limité dans le sens où la contamination suppose un contact prolongé et rapproché avec des personnes présentant des symptômes.

Le chômage partiel peut-il être une solution ?

En effet, ce dispositif très utilisé lors de la crise de 2008 permet de réduire l’activité d’une entreprise ou la durée de travail habituelle, mais aussi de fermer temporairement un établissement (ou une partie) tout en faisant bénéficier ses salariés d’une allocation spécifique à la charge de l’Etat. Leur indemnité correspond à au moins 70% de leur rémunération antérieure brute et peut être augmentée par l’employeur. Elle peut même être portée à 100% de cette rémunération, si le salarié bénéficie pendant l’activité partielle, d’une formation. Le gouvernement a d’ores et déjà donné quelques exemples de cas dans lesquels la demande peut être faite. Il s’agit par exemple d’une fermeture administrative, de l’absence massive de salariés indispensables à l’activité de l’entreprise, ou le cas de salariés ne pouvant se rendre sur leur lieu de travail en raison de l’absence de transport en commun.