Réforme assurance chomage

Le projet “France Travail” sur les rails

Officialisé lors de la présentation aux partenaires sociaux de la feuille de route du ministère du Travail, le chantier de rénovation du service public de l’emploi fera l’objet d’une mission de concertation puis d’une phase d’expérimentation pour un lancement opérationnel attendu au 1er janvier 2024.

France Travail pourrait remplacer Pôle emploi dès le 1er janvier 2024…© Arnaud Hébert/RÉA

Objectif plein-emploi. Tel est le cap fixé par le ministère du Travail, qui présentait le 12 septembre aux partenaires sociaux les huit chantiers prioritaires qu’il entend mener au cours des prochains mois. Tout en haut de la liste figure la volonté de rénover le service public de l’emploi par la création de France Travail. De quoi s’agit-il ? Selon le ministère, l’idée consiste à « proposer un accompagnement renforcé à toutes les personnes qui ne sont pas capables de retrouver seules un emploi, notamment les allocataires du RSA, et améliorer notre réponse aux besoins des entreprises ». Tout cela nécessite évidemment de coordonner davantage les acteurs intervenant sur l’emploi (qu’il s’agisse de Pôle emploi, des missions locales mais aussi des collectivités) et d’articuler les différents dispositifs pour « permettre de coordonner les réponses et réduire les ruptures de parcours ».

La voie de la concertation

Dans une phase préliminaire, le ministre du Travail a confié au Haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises, Thibaut Guilluy, une « mission de concertation et de préfiguration » qui doit commencer ses travaux dans les tout prochains jours « en lien avec les partenaires sociaux », peut-on lire dans la lettre de mission. Il s’agira, dans les trois prochains mois, de « partager le diagnostic, élaborer des propositions concrètes pour la transformation du service public de l’emploi, et préfigurer la transformation de Pôle emploi en France Travail » pour une mise en place progressive à partir de janvier 2024. Une phase d’expérimentation sur « la réforme de l’accompagnement du RSA » est également prévue et pourrait être lancée dès octobre dans quelques territoires en vue d’un démarrage opérationnel en 2023.

Le retour d’un RSA conditionné ?

Derrière ces termes, on ne peut s’empêcher de repenser à la promesse de campagne d’Emmanuel Macron, qui, dès mars 2022, parlait de conditionner le RSA à quinze à vingt heures de travail hebdomadaire… « Une vision punitive des personnes qui sont en situation de pauvreté », rappelait alors la CFDT par la voix de son secrétaire général, Laurent Berger. « Travailler gratuitement, c’est de l’esclavage », s’emportait-il. Quelques mois plus tard, derrière le choix sémantique de transformer Pôle emploi en France Travail, et la volonté d’Olivier Dussopt d’« articuler, coordonner et synchroniser » les chantiers France Travail et assurance chômage, peu doutent que l’ambition de l’exécutif ait été abandonnée. Les organisations syndicales, en tout cas, restent sur le qui-vive.

Par Anne-Sophie Balle— Publié le 15/09/2022 à 08h35 et mis à jour le 15/09/2022 à 08h36

À PROPOS DE L’AUTEUR Anne-Sophie Balle

Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo

GOUVERNEMENT : UNE NOUVELLE MÉTHODE DE DIALOGUE SOCIAL ?

• Le 17 juillet, Jean Castex recevait l’ensemble des partenaires sociaux à l’hôtel de Matignon afin d’arrêter une méthode de travail et un calendrier pour les semaines et les mois qui viennent.
• Une quinzaine de chantiers devraient être lancés d’ici à la fin de l’année. La réforme des retraites est reportée, l’application de la réforme de l’assurance-chômage suspendue.

À peine nommé, le nouveau Premier ministre avait reçu les 9 et 10 juillet chacune des organisations syndicales et patronales en bilatérales pour une première prise de contact. Quelques jours plus tard, c’est ensemble qu’elles ont été reçues à Matignon pour une conférence de dialogue social, que Jean Castex affirme vouloir poursuivre dans la durée.

Un prochain sommet social est déjà annoncé au mois d’octobre, mais « la démarche pourra être renouvelée autant de fois que nécessaire ». Après des années de consultation a minima, la « méthode Castex », comme la surnomment déjà certains, est plutôt bien accueillie. À sa sortie, Laurent Berger salue la « sincérité du Premier ministre sur sa volonté de dialogue social et la conviction que la priorité est placée au bon endroit en termes d’objectifs et de calendrier : l’emploi ! ».

Un calendrier particulièrement dense

Juillet 2020

  • Concertation express autour d’Élisabeth Borne sur le plan jeunes.
  • Remise du rapport à Olivier Véran sur la création d’une nouvelle branche de la Sécurité sociale couvrant la perte d’autonomie.
  • Barbara Pompili réunit une multilatérale sur la mise en œuvre des mesures issues de la convention citoyenne pour le climat. Un projet de loi est attendu à la fin juillet.

Septembre 2020

  • Concertation sur la déclinaison sectorielle et territoriale du plan de relance.
  • Ouverture du chantier sur le partage de la valeur ajoutée et la participation des salariés à la gouvernance d’entreprise.
  • État des lieux sur le financement de la protection sociale et saisie du Conseil d’orientation des retraites sur l’équilibre des régimes sociaux, devant servir de base à la concertation.

Automne 2020

  • En octobre, le Premier ministre convoquera une nouvelle conférence de dialogue social.
  • Fin des discussions paritaires sur le télétravail entamé à la mi-juin et devant aboutir à un diagnostic partagé.
  • Lancement de la concertation tripartite sur les retraites et la question des seniors.

Début 2021

  • Entrée en vigueur de la réforme de l’assurance-chômage de juillet 2019 dans son intégralité.

Lutte contre le chômage et relance économique

Dès cette semaine, les concertations commencent par le plan jeunesse, dont les principales mesures ont été annoncées mais avec des modalités qui restent à définir. Priorités absolues, la lutte contre le chômage et la relance économique donneront lieu à plusieurs rencontres cet été en vue du plan de relance finalisé d’ici à la fin du mois d’août, et sur lequel le gouvernement souhaite associer plus largement les territoires. « Celui-ci devra comporter des mesures d’urgence et des mesures structurelles sur l’évolution de notre modèle productif et la transition énergétique », plaide de son côté Laurent Berger.

Sans préjuger du résultat, le gouvernement dit vouloir « laisser aux partenaires sociaux le temps de la négociation ». Ces derniers apprécieront, eux dont les discussions paritaires ont été tant de fois parasitées ces dernières années. En cours, les discussions paritaires à propos du télétravail et de la négociation sur la santé au travail devraient donc pouvoir avancer sans interférence. Et la volonté de parler du travail, au-delà de l’emploi, est un « signal positif » relevé par plusieurs organisations syndicales.

Un signe d’ouverture

Au total, une quinzaine de chantiers devraient être lancés d’ici à la fin d’année. Les réformes les plus sensibles, elles, sont renvoyées à plus tard. Parallèlement après avoir décidé de reporter au 1er janvier 2021 la mise en œuvre de la réforme de l’assurance-chômage (dont une partie est entrée en vigueur en novembre 2019), le Premier ministre proposera aux partenaires sociaux une concertation visant à modifier les conditions d’indemnisation, qui ne sont plus adaptées au contexte, notamment en ce qui concerne le salaire journalier de référence. Un courrier leur sera envoyé en ce sens dans les tout prochains jours. Au sujet des retraites, le calendrier est là aussi desserré, avec une distinction entre les effets conjoncturels de la crise sur l’équilibre des régimes et ce qui relève du structurel. Les concertations devraient reprendre une fois que les prévisions du Conseil d’orientation des retraites seront connues, en parallèle des discussions sur la mise en place d’un système universel des retraites.

Trois sujets mis sur la table

En sus d’un calendrier déjà dense, la rencontre a fait émerger trois sujets que les partenaires sociaux souhaitent ajouter dans l’agenda social : les travailleurs des plateformes et la manière de structurer une forme de dialogue social ; les métiers des travailleurs de la « deuxième ligne », que les syndicats souhaitent rendre plus attrayants par l’ouverture de discussions sur les classifications et les évolutions de carrières ; enfin, ils souhaitent aborder la question des métiers en tension, pour lesquels les branches devraient être sollicitées. Sur ce dernier point, la restructuration des branches entamée en 2016 devrait cependant marquer un temps d’arrêt. La priorité n’est pas là pour l’instant.

Il y a urgence à retirer la réforme de l’assurance de chômage

Compte tenu de la crise économique provoquée par le Covid-19, Muriel Pénicaud a annoncé l’engagement d’une réflexion avec les partenaires sociaux pour « adapter rapidement les règles d’assurance chômage ». Pourtant, à ce jour et alors que la situation des chercheurs d’emploi est extrêmement préoccupante, aucune décision n’a encore été prise. Pour SNC, la CFDT, l’UNSA, la FAGE, ATD Quart-Monde, le Secours Catholique, la FAS, le MNCP et Coorace, il y a maintenant urgence à retirer la réforme de l’assurance chômage.

Depuis novembre 2019, Solidarités Nouvelles face au Chômage (SNC), la CFDT, l’UNSA, la FAGE, ATD Quart-Monde, le Secours Catholique, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), le Mouvement National des Chômeurs et Précaires (MNCP) et Coorace alertent collectivement sur les conséquences de la réforme de l’assurance chômage pour les personnes en recherche d’emploi. La première vague entrée en application le 1er novembre 2019, a déjà fragilisé des dizaines de milliers de demandeurs d’emploi. La crise sanitaire et économique actuelle multiplie ces fragilités et les cris d’alerte comme celui de  Virginie B. se multiplient : « Nous sommes en pleine crise du coronavirus, mon contrat en cdd vient de se terminer et l’entreprise où je travaille est fermée, je ne peux plus travailler et je ne peux pas recharger mes droits au chômage avec la nouvelle réforme. On me demande de faire 900 heures de travail pour pouvoir recharger mes droits, il m’en manque 400. Je suis dans l’impossibilité de le faire. »

La crise impacte durement les chercheurs d’emploi

Le marché du travail est désormais bien différent de celui de 2019. Les justifications avancées par le gouvernement en faveur de la réforme ne sont donc plus valables. En effet, avec la crise, le nombre de chercheurs d’emploi de catégorie A a augmenté de 850 000 de fin février à fin avril 2020. Nous avons vu aussi combien les travailleurs pauvres peuvent devenir des pauvres tout court. En effet cette crise a eu un impact tout particulier sur les chercheur d’emploi de catégorie B et C (ceux qui travaillent de façon occasionnelle). Non seulement ils se sont retrouvés sans emploi durant la crise et donc sans ressources, de plus, si le nouveau calcul du salaire journalier entre en vigueur, ils se retrouveront également avec une allocation minorée ! La double peine. La décision de reporter l’entrée en vigueur des règles modifiant le calcul des allocations d’assurance chômage ne fait que déplacer les problèmes à plus tard avec des conséquences très lourdes notamment pour celles et ceux qui, en cette période ne pourront accéder à l’emploi et pour tous ceux qui vont perdre leur emploi du fait de la dure crise économique.

Le retrait de la réforme de l’assurance chômage s’impose

Si les signes d’ouverture dont semble faire preuve Muriel Pénicaud sur le retour à 4 mois au lieu de 6 mois travaillés pour l’ouverture des droits à l’assurance chômage sont à saluer, la question du nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence reste entière. Une simple baisse de la période de référence de 24 à 12 mois ne pourra éviter les effets catastrophiques de la prise en compte des périodes non-travaillés dans le calcul du SJR. Pour les chercheurs d’emploi, parfois déjà touchés par les premières mesures, le montant de leur allocation baissera de 22% en moyenne, et pour certains de moitié. Compte tenu du nouveau contexte économique provoqué par le Covid-19, seul le retrait de la réforme de l’assurance chômage, à l’exception des nouveaux droits accordés aux travailleurs indépendants et aux démissionnaires poursuivant un projet professionnel, permettra de protéger les chercheurs d’emploi et les personnes en emplois précaires.

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Hélène Pinazo & Emilie Perraudin : 01 42 46 01 69 / communication@atd-quartmonde.org


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Audrey-Jane Baldi : 01 48 01 82 06 / 06 17 80 03 52 / audrey-jane.baldi@federationsolidarite.org

CFDT
Dominique Primault : 06 43 75 92 73 / dprimault@cfdt.fr

UNSA
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COORACE
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