laurent berger

MANIFESTATIONS DU 11 FÉVRIER : POURQUOI LES SYNDICATS ONT-ILS CHOISI UN SAMEDI POUR DÉFILER ?

Déjà prévue avant la mobilisation de ce mardi 7 février, une nouvelle journée de manifestations doit avoir lieu samedi 11 février, avec un fort enjeu pour les syndicats.

Pourquoi ont-ils choisi de défiler un samedi, jour peu habituel pour eux ?

La journée du mardi 7 février a beau avoir marqué un petit ralentissement de la mobilisation populaire contre la réforme des retraites (757.000 Français dans la rue, contre 1,2 million le 31 janvier selon le ministère de l’Intérieur), les syndicats ont surtout le regard tourné vers le samedi 11 février. Ils ont en effet décidé d’organiser une nouvelle journée de manifestations en plein week-end, chose qui n’est pas dans leurs habitudes. Le but est d’attirer le plus grand nombre de personnes dans les cortèges, pour élargir le mouvement.

Défendue par la CFDT, quand la CGT ou Sud-Rail souhaitaient initialement enchaîner deux jours de grève les 7 et 8 février, la date du samedi 11 février a donc été validée.

Laurent Berger avait plaidé en ce sens pour donner «la possibilité de venir manifester, y compris pour les travailleuses, les travailleurs qui ne viennent pas forcément en semaine, y compris en famille».

Avec comme objectif de «montrer qu’il y a un vrai mécontentement et une vraie mobilisation». Il a réitéré ce mardi, face à la petite baisse de participation pour la troisième journée de manifestations. «Le message de ce soir, ce sera un appel à manifester massivement samedi», a-t-il appuyé.

DES MANIFESTANTS DIFFÉRENTS ET UNE JOURNÉE DE SALAIRE PRÉSERVÉE

Les différents syndicats expliquent d’ailleurs que l’objectif du samedi 11 février n’est pas d’avoir un taux de gréviste élevé, mais une mobilisation populaire massive, qui doit symboliser la montée en puissance du mouvement contre la réforme. Ainsi les syndicats de la SNCF ont appelé les cheminots à ne pas faire grève mais, pour tous ceux qui ne travaillent pas, à venir gonfler les rangs des cortèges.

Les responsables pointent aussi que le visage des manifestations du samedi diffère quelque peu de celles en semaine. Des familles, avec parfois de jeunes enfants, devraient ainsi être présentes. De même, ce jour permet aux salariés du privé de participer plus facilement, puisqu’ils n’ont pas forcément de jour de congé à poser. La mobilisation de samedi sera alors un bel indice de l’ampleur du mécontentement parmi l’ensemble des travailleurs du pays.

«Il y a aussi un deuxième objectif : économiser des jours de grève pour les salariés parce que là on est sur une course de demi-fond et par sur un sprint»

à expliqué le secrétaire général de l’Unsa-Ferroviaire, Didier Mathis. Le samedi présente en effet l’avantage de pouvoir manifester sans perdre un jour de salaire. Dans une période où les difficultés de pouvoir d’achat sont largement répandues à travers la population, cet aspect n’est pas négligeable. «Dans ma famille, tout le monde ne fait pas grève car ils n’ont pas les moyens. Mais tout le monde viendra samedi», a confirmé à l’AFP une assistante sociale qui manifestait mardi à Orléans. De quoi redonner de l’élan à la mobilisation ?

Trouvez ci dessous le préavis pour le samedi 11 février 2023 :

RÉFORME DES RETRAITES : « 65 ANS, C’EST NON ! »

Après avoir fait planer le doute sur l’introduction d’une mesure d’âge dans le Projet de loi de financement de la sécurité sociale, c’est finalement le choix d’une concertation qui a été fait. Tout en affirmant son opposition aux 65 ans, la CFDT s’engage avec détermination dans cette concertation qui devrait aboutir à un projet de loi début 2023.

« LA RETRAITE À 65 ANS C’EST NIET »

Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, s’est exprimé dans Le Journal du Dimanche le 2 octobre. Il a pu porter les revendications de la CFDT sur la réforme des retraites.

« La CFDT ne boycottera pas les concertations mais est opposée à un recul de l’âge de départ à la retraite. Elle souhaite réfléchir avec les autres organisations syndicales à des actions communes. »

Laurent Berger

“Si le gouvernement n’entre pas dans une logique de dialogue, il doit se préparer à une forte conflictualité”

Pouvoir d’achat en berne, crise énergétique, tension politique, etc…

Dans ce climat anxiogène, le secrétaire général de la CFDT appelle au dialogue pour co-construire des réponses adaptées aux attentes des travailleurs.

© Julien Jaulin/Hans Lucas

La « rentrée » est très tendue. Comment l’aborde la CFDT ?

La situation est très compliquée. Elle est marquée par une forte inquiétude autour de la question du pouvoir d’achat. À l’inflation s’ajoutent les incertitudes autour du prix de l’énergie à l’approche de l’hiver. Les aides ponctuelles comme le chèque énergie sont utiles mais ne suffisent pas. La réponse à l’inflation ne doit pas simplement être une aide au pouvoir d’achat, il faut agir sur les salaires.

Le patronat semble frileux…

Dans les entreprises, les conflits autour des salaires se multiplient. Des journées de mobilisation sont organisées dans l’agroalimentaire, les transports urbains ou encore la santé. Lorsque les salariés ont une revendication juste qui ne trouve pas de réponse, la logique conflictuelle s’impose. Nous accompagnons les équipes dans leurs revendications salariales parce qu’elles sont justes. C’est aussi dans l’intérêt des entreprises d’augmenter les salaires. Le rapport de force est en train de s’inverser. Si elles veulent garder leurs travailleurs, les entreprises vont devoir augmenter les salaires et s’interroger sur les conditions et l’organisation du travail. Le problème de fond que révèle cette situation, c’est la répartition de la richesse.

La taxation des superprofits est-elle une réponse ?

“Malgré les aides publiques qu’elles reçoivent, les entreprises ne jouent pas le jeu de la redistribution. À un moment, elles doivent participer à l’effort collectif ou rendre l’argent.”

Nous sommes pour taxer les superprofits et nous ne ferons pas l’économie d’une contribution exceptionnelle des très hauts revenus afin de financer les efforts de solidarité dans les prochains mois. Mais il faut aussi un meilleur partage de la richesse au sein des entreprises. Sur 171 branches professionnelles, 143 ont des minima qui commencent en dessous du Smic ! Une répartition plus équitable des bénéfices entre le capital et le travail est nécessaire. Nous demandons la généralisation de la participation à tous les travailleurs et dans toutes les entreprises. Nous voulons pouvoir aboutir sur ce sujet par le dialogue social, mais si les employeurs refusent, nous demanderons au gouvernement de prendre ses responsabilités. Malgré les aides publiques qu’elles reçoivent, les entreprises ne jouent pas le jeu de la redistribution. À un moment, elles doivent participer à l’effort collectif ou rendre l’argent. Participer à l’effort de solidarité et redistribuer la richesse, ce n’est pas démagogique comme proposition. Ce qui est démagogique, en revanche, c’est de dire qu’il faut une hausse généralisée de 10 % des salaires, et ce, quelle que soit la situation de l’entreprise.

Que penser des appels à une journée d’action nationale qui se multiplient ces dernières semaines ?

Je vois deux problèmes avec ce type de mouvement. Le premier, c’est de laisser croire que l’on peut obtenir des augmentations de salaires généralisées dans tous les secteurs avec une manifestation interprofessionnelle. C’est faux, ça ne marche pas. Sur les salaires comme sur d’autres sujets, nous agissons dans les branches et les entreprises. C’est là que nous obtenons des résultats – dans la joaillerie, par exemple, ou encore dans les chambres d’agriculture, où le point d’indice était gelé depuis neuf ans. La CFDT est combative sur le terrain, et nous avons des propositions radicales. Nous n’avons pas besoin de défiler dans la rue pour le prouver.
Par ailleurs, on ne se laissera pas embarquer dans des manifestations qui n’auraient qu’un objectif politique. Certains rêvent d’une convergence des luttes. Nous ne tomberons pas dans le panneau. Notre boulot de syndicalistes n’est pas de renverser le gouvernement, c’est de défendre les travailleurs. Il n’est pas question de coller aux initiatives que pourraient lancer les uns et les autres. Néanmoins, cela ne nous empêche pas d’échanger avec les autres organisations syndicales. Une intersyndicale a d’ailleurs eu lieu à la Confédération le 5 septembre dernier, et a émis un communiqué.

Le malaise est aussi palpable dans la fonction publique…

Nous avons obtenu la hausse de la valeur du point d’indice en juillet – une mesure inédite depuis plus de dix ans – mais ce n’est pas suffisant pour répondre au mal-être des agents. Il y a un problème de rémunération mais aussi de conditions de travail. Une militante des douanes me disait que l’État employeur refusait d’acheter des gilets pare-balles adaptés pour les femmes. C’est aberrant et, malheureusement, révélateur du manque de reconnaissance de l’État envers ses agents. C’est aussi vrai à l’hôpital, dans la justice ou encore au sein de l’Éducation nationale. On en voit les conséquences aujourd’hui avec les difficultés de recrutement.

Ces tensions s’inscrivent dans un contexte global de crise énergétique et écologique.

“La crise énergétique est un révélateur de ce que nous aurions dû faire depuis bien longtemps déjà.”

La crise énergétique est liée à la situation en Ukraine. Elle nous oblige à aller vers plus de sobriété. Cette crise est un révélateur de ce que nous aurions dû faire depuis bien longtemps déjà. Pour la CFDT, la sobriété n’est pas un gros mot. La sobriété, c’est faire attention à notre environnement, c’est réfléchir à notre impact sur le réchauffement climatique. Il faut voir cette période comme une opportunité qui va participer à révolutionner les usages, à repenser nos modes de consommation, de production ou de déplacements. Nous n’avons plus le choix.

Comment juges-tu la réponse du gouvernement à cette crise énergétique ?

Je suis président de la Confédération européenne des syndicats. Je vois ce qui se passe ailleurs en Europe. Les aides qui ont été décidées pour protéger les Français sont conséquentes. La CFDT regrette seulement qu’elles n’aient pas été davantage ciblées en direction des foyers en difficulté. La ristourne sur l’essence constitue un cas d’école. Ce n’est pas la même chose d’aider un salarié qui utilise sa voiture pour aller travailler et d’aider une personne qui rejoint sa résidence secondaire.
C’est pour cela qu’à l’approche de l’hiver, nous demandons la mise en place d’un mécanisme de prix bas de l’énergie jusqu’à un certain niveau de consommation, en fonction de la composition du foyer, et qu’au-delà un prix plus proche du coup réel du marché s’applique. Ce que l’on propose, c’est un modèle qui incite à la sobriété énergétique – elle est absolument nécessaire – mais qui n’oblige personne à se priver de chauffage pour faire des économies. Une hausse de 200 ou 300 euros risque de mettre beaucoup de gens en galère. Il faut être très vigilant. On voit bien que les voyants sont au rouge pour beaucoup de travailleurs, et de nombreux ménages risquent de sombrer dans la précarité. Je rappelle que la France compte déjà 10 millions de personnes en situation de pauvreté. Il est donc indispensable d’investir et d’accompagner ces transitions.

Mais comment financer cette transition ?

“Nous demandons la prise en charge à 100 % du chômage partiel pour les salariés des entreprises qui sont contraintes de fermer temporairement ou de réduire leurs activités.”

On revient sur les sujets de fond que sont le partage des richesses et la contribution des uns et des autres afin de faire face au financement des défis qui sont devant nous. Nous devons d’abord demander un effort à ceux qui peuvent se le permettre. Il n’est pas illogique que ceux qui bénéficient de la période pour gagner beaucoup d’argent contribuent davantage. Il y a de gros investissements à faire, parce que cela va impacter les filières industrielles et bouleverser les emplois. C’est indispensable. On le voit déjà clairement. La crise énergétique impacte les salariés et les entreprises. C’est pourquoi nous demandons la prise en charge à 100 % du chômage partiel pour les salariés des entreprises qui, à l’instar de Duralex, sont contraintes de fermer temporairement ou de réduire leurs activités. Les travailleurs ne sont pas responsables de cette situation.
Il faut des investissements massifs, notamment dans la production d’énergie renouvelable. Je prends l’exemple du champ éolien au large de Saint-Nazaire. Cela représente 25 % de la consommation d’énergie en une année du département de la Loire-Atlantique. Il faut aller plus loin. Il faudra également de grands investissements en ce qui concerne les mobilités. Ça me fait mal au ventre quand j’entends la SNCF dire qu’elle va supprimer des trains peu fréquentés pour faire preuve de sobriété. C’est dingue parce que cela risque d’enclaver encore plus des territoires et des citoyens qui se sentent déjà abandonnés. On l’a vu avec les gilets jaunes. Enfin, cela passe aussi par la rénovation thermique des logements.

Peut-on dire que la CFDT est un syndicat écologiste ?

Oui, je le crois. C’est un syndicat qui considère que l’écologie est un sujet essentiel. Je suis devenu syndicaliste parce que j’estimais que le social n’était pas un sous-produit de l’économie. Aujourd’hui, je considère que l’écologie n’est pas un sous-produit de l’économie et le social n’est pas un sous-produit de l’écologie. La prise en compte de l’environnement et du réchauffement climatique correspond clairement à des préoccupations syndicales. Nous avons des propositions sur le sujet, à l’échelle nationale, dans les branches et les entreprises, sur les organisations du travail pour que celles-ci soient moins énergivores, par exemple. La transition écologique est inéluctable. Elle doit se faire dans un cadre démocratique et négocié, au plus près des réalités, et en y associant les acteurs concernés, que ce soit dans les territoires ou les entreprises.

Quelle est la teneur des débats au sein du syndicalisme européen sur cette question de la transition ?

1. Le mécanisme européen qui finance en partie le chômage partiel.

Il y a une position majoritaire sur le fait de soutenir le Green Deal au niveau européen, de faire en sorte qu’il y ait des moyens pour soutenir la transition écologique. La position de la Confédération européenne des syndicats est qu’il faut durablement installer un dispositif de type SURE1, que l’on a connu pendant la crise Covid. L’idée est de dégager des financements afin d’accompagner les travailleurs dont l’activité serait restructurée pour répondre à la transition écologique. On pousse là-dessus en ce moment, et certaines personnes à la Commission européenne soutiennent cette revendication. Cette même idée s’applique d’ailleurs aussi aux travailleurs confrontés aux conséquences de la guerre en Ukraine.
Pour autant, il y a aussi de fortes réticences exprimées par les travailleurs. Certaines organisations sont plus rétives, notamment en Pologne et plus généralement dans les pays de l’Est. On peut le comprendre vu la situation sociale dans certains de ces pays. La CES aura un congrès en mai 2023 qui sera un moment important permettant de redéfinir et réaffirmer les priorités du syndicalisme européen.

Retour en France, où la crise écologique se double d’une crise politique. Le gouvernement n’a pas de majorité absolue et doit composer avec un Rassemblement national qui a fait une entrée fracassante au Parlement. Comment se positionne la CFDT dans ce nouveau paysage ? Comment peser ?

“Si personne ne souhaite dialoguer et avancer, il y a un risque énorme pour la démocratie.”

La CFDT continue de considérer que le RN n’est pas un parti comme les autres. On va rester à distance. Dans certaines régions, il va falloir accompagner nos organisations car le RN est devenu une véritable force. Cependant, nous allons continuer de travailler avec tous les autres groupes politiques. Ce que je crains dans la période, c’est un sentiment d’irresponsabilité généralisé, un renvoi de balles en permanence entre les partis politiques qui empêcheraient de faire face aux défis auxquels nous sommes confrontés. Cela explique en partie notre participation au Conseil national de la refondation (CNR). Si personne ne souhaite dialoguer et avancer, il y a un risque énorme pour la démocratie.

Le CNR peut-il offrir une réponse à cette crise politique ?

La CFDT a participé à la première séance du CNR, le 8 septembre dernier. Nous avons été exigeants sur la méthode afin que le gouvernement écoute davantage la société civile et que nous construisions ensemble des réponses concrètes aux enjeux de la transition écologique, de l’éducation, de la santé, de l’emploi et de la dépendance.
Nous avons été clairs sur nos exigences. Nous sommes une organisation syndicale. Notre rôle, c’est de travailler avec l’interlocuteur légitime qui est en face, qu’il soit un patron ou un politique. Et, aujourd’hui, le gouvernement est légitime. C’est une folie démocratique de considérer qu’il n’y a pas quelqu’un qui a gagné l’élection présidentielle et qu’il n’y a pas un groupe plus important que les autres au Parlement. Dans les entreprises, ce que les travailleurs nous demandent, c’est d’aller discuter avec le patron pour trouver des solutions aux problèmes qu’ils connaissent. À l’échelle nationale, c’est pareil. Pour résumer, si le gouvernement n’adopte pas une logique de dialogue, il devra se préparer à une forte conflictualité dans les semaines et les mois à venir.

En parlant de conflictualité, abordons les sujets qui fâchent dans la période : l’assurance chômage et les retraites…

“Imaginer que la réduction des indemnités des allocataires résoudrait les problèmes d’emploi est dingue.”

Sur l’assurance chômage, la position du gouvernement est l’illustration que le dogmatisme et l’idéologie sont contraires à l’efficacité. Imaginer que la réduction des indemnités des allocataires résoudrait les problèmes d’emploi est dingue. Plus de la moitié des personnes au chômage ne sont pas indemnisées. Même les services du ministère du Travail reconnaissent que le problème du chômage repose en premier lieu sur un manque de formation des personnes en recherche d’emploi, mais aussi sur le manque d’attractivité des métiers en tension. Le montant de l’allocation n’entre pas dans l’équation. Que le gouvernement s’entête dans cette voie parce que la mesure se révèle populaire est le propre de toute politique populiste. Nous sommes en désaccord profond.

Et sur les retraites ?

Si le gouvernement sort une mesure dans le prochain PLFSS [projet de loi de financement de la Sécurité sociale] sur l’âge de départ ou la durée de cotisation, on cesse toute discussion et on descend dans la rue avec l’ensemble des organisations syndicales. C’est une ligne rouge, c’est clair et net, il n’y a pas de voie de passage. Mais attention, cela ne sera pas une partie de plaisir. Faire reculer le gouvernement, qui compte utiliser le vote bloqué pour adopter le PLFSS, ne sera pas facile. Il faudra dans ce cas du monde dans la rue…
Un tel passage en force aurait par ailleurs des conséquences graves. Au-delà de la montée des tensions sociales et du ralentissement de l’économie que provoqueraient les grèves et les manifestations, se posent aussi la question démocratique et le risque de voir le RN rafler la mise en cas de dissolution de l’Assemblée.
Le gouvernement doit comprendre que l’on peut aborder la question des retraites mais en partant du travail, en s’attaquant à la pénibilité, à l’intensification, à la fin de carrière, à l’aménagement des temps de vie, etc. Le système de retraites peut être réformé pour répondre à ces enjeux, pas pour financer des pans entiers de la protection sociale, comme semble le laisser entendre la majorité. C’est pourquoi la CFDT pousse pour l’organisation d’Assises du travail. Quand on parle de retraite, on parle de travail.

Il y a des choses à gagner sur le travail ?

Oui, je pense qu’il y a beaucoup de choses à gagner sur le travail, à condition que l’on soit capable de poser un diagnostic assez fin sur ce qui est en train de se passer. Il y a un rapport au travail qui bouge, il y a une quête de sens nouvelle, un développement du télétravail qui bouleverse nos repères… On ne mesure pas encore assez tous ces changements. Pour autant, on voit bien qu’il y a des espaces nouveaux à investir, des expérimentations à mettre en place à l’échelle nationale comme à l’échelon local. Il y a des choses à inventer, à imaginer pour améliorer la qualité de vie au travail. Cela ne passe pas forcément par une loi mais il faut que nous parvenions à faire de l’organisation du travail un sujet de dialogue social.

Parlons enfin de sujets liés à l’interne de la CFDT. Un congrès s’est tenu à Lyon avant l’été. Quelles en sont les principaux enseignements ?

“Nous devons nous renforcer, et cela passe en premier lieu par un nouvel élan en matière de développement.”

Le 50e congrès nous a permis de montrer une organisation unie, une organisation qui débat de façon apaisée et qui sait trancher. C’est une bonne nouvelle. La CFDT est en forme, nous avons une feuille de route claire. Maintenant, il faut la mettre en œuvre. Je souhaite que nous ne soyons pas que dans la gestion de l’actualité, que nous avancions aussi sur nos priorités, que ce soit sur la question du travail, la lutte contre les discriminations, le compte épargne-temps universel…
Mais on ne réussira à imposer nos idées que si nous avançons sur notre organisation interne. Nous devons nous renforcer, et cela passe en premier lieu par un nouvel élan en matière de développement. Je suis persuadé que de nombreux salariés n’attendent que de nous rejoindre. Il faut aller à leur rencontre, leur proposer d’adhérer. Cela doit être notre priorité. Quand je dis « nous », c’est évidemment l’ensemble des structures et des militants de la CFDT.

Un mot sur le Pacte du pouvoir de vivre. Quel avenir pour cette alliance, qui commence à vraiment s’imposer à l’intérieur de la CFDT mais aussi en dehors ?

L’actualité nous montre que nous avons eu raison de lancer ce collectif, qui reflète la diversité de la société civile. Avec le Pacte, nous avons pesé davantage lors de la première réunion du CNR, c’est une évidence. La priorité aujourd’hui est de renforcer la quarantaine de groupes locaux pour mener des actions au plus près du terrain. L’idée est de voir plus loin que la simple revendication et d’aller vers des actions concrètes.

Le 8 décembre, l’actualité sociale sera marquée par les élections dans la fonction publique. Comment convaincre de voter CFDT ?

Il faut valoriser ce que nous avons obtenu, que ce soit au moment du Ségur de la santé, sur le régime indemnitaire ou sur la complémentaire santé. Pendant quatre ans, nous nous sommes battus. La CFDT a fait la démonstration de l’utilité de son syndicalisme, un syndicalisme de dialogue et de proposition, loin des jeux de posture. Les agents ont besoin de la CFDT pour faire évoluer leur situation. Enfin, nous allons repartir au contact des agents. Une campagne se gagne sur le terrain. La CFDT leur donne un premier rendez-vous du 27 au 29 septembre, à l’occasion de la troisième opération « Réponses à emporter » !

Par Jérôme Citron et Guillaume Lefèvre— Publié le 13/09/2022 à 14h00

Nouveau quinquennat : la CFDT pose ses exigences

“Montrez que vous savez être à l’écoute…” Alors que le résultat de l’élection présidentielle révèle une France profondément fracturée, la CFDT appelle Emmanuel Macron à ouvrir rapidement des espaces de dialogue et à prendre à bras-le-corps les problèmes de la société. Afin d’engager la discussion, elle présente quinze revendications.

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Syndhebdo

58,54 % pour le Président sortant au deuxième tour. Passé le soulagement de ne pas voir le Rassemblement national remporter l’élection présidentielle, ce résultat retentit comme un énième signal d’alarme. Élection après élection, l’extrême droite progresse, surfant sur un mal-être social ambiant et le rejet du « système » par une partie de la population qui ne se reconnaît plus dans les candidats dits modérés ou de gouvernement. Une nouvelle fois, Emmanuel Macron a donc été élu avec le soutien de nombreux citoyens qui voulaient avant tout éviter l’accession au pouvoir de l’extrême droite.

« Je sais aussi que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi, non pour soutenir les idées que je porte mais pour faire barrage à celles de l’extrême droite. Je veux ici les remercier et leur dire que ce vote m’oblige pour les années à venir », a d’ailleurs reconnu le Président lors de son discours à la tour Eiffel à l’issue du deuxième tour.

Quinze sujets, quinze urgences

La CFDT – qui s’est mobilisée dès le 10 avril pour faire barrage au Rassemblement national en appelant à voter Emmanuel Macron – le prend à présent au mot. Et pose sur la table ses quinze premières revendications. Quinze sujets sur lesquels la CFDT est prête à engager des discussions sans attendre. L’évolution des grilles de salaires et des minima sociaux, la révision des ordonnances travail, la formation des seniors et des personnes en reconversion, les retraites ou encore l’investissement dans la santé constituent les axes essentiels de ses revendications… car les attentes sont nombreuses. « Nous avons besoin de réponses immédiates ! Montrez que vous savez être à l’écoute », interpelle ainsi la CFDT, qui entend obtenir de l’exécutif un changement de méthode lors du quinquennat à venir.

Tract des quinze revendications CFDT pour le nouveau quinquennat du Président Macron
Tract des quinze revendications CFDT pour le nouveau quinquennat du Président Macron© InfoCom CFDT

Grand rendez-vous social

Laurent Berger l’a d’ailleurs réaffirmé dans une tribune publiée dans Le Monde daté du 27 avril, dans laquelle il interpelle directement Emmanuel Macron. « Monsieur le président, vous ne pourrez pas relever ces défis tout seul. Convoquez dès aujourd’hui une rencontre avec les partenaires sociaux et les grandes associations. Appelez-la comme vous voulez – conférence, Grenelle, convention… –, mais lancez dès maintenant ce grand rendez-vous social pour changer de méthode et associer le plus grand nombre à la co-construction des décisions. »

Alors que le candidat Macron promettait il y a quelques jours encore une présidence moins verticale, espérons que le Président réélu n’oublie pas cet engagement de campagne. À présent, la CFDT attend des actes. « Notre appel est ferme mais constructif : entendez-le !, conclut Laurent Berger dans sa tribune. Il ne peut y avoir de démocratie sans démocratie sociale. »

Dans une tribune parue dans le journal « Le monde » le 27 avril 2022, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, appelle Emmanuel Macron à convoquer un « grand rendez-vous social » avant ses décisions futures.